Les sons frétillaient jusque dans mon corps pour glisser dans mes doigts que je faisais bouger doucement. Je dansais. Je planais plutôt. J'étais dans ma bulle où personne ne pouvait m'atteindre, où n'importe quel morceau de musique pouvait m'apporter le plaisir le plus paisible. Où aucune pensée ne me pénétrait. Juste le plaisir de flotter, ça et là au milieu d'une foule, au milieu de formes que je distinguais vaguement. Je sentais le sol sous mes pieds, je sentais mon bassin se tourner, et je flottais. Au gré des sons, je planais comme une fille qui se serait droguée. 

Le sentiment est décuplé quand mon ami vient poser ses mains sur mes hanches. Je redescends, je ne fais plus corps avec moi même. J'identifie la personne face à moi. Lui aussi ferme les yeux, puis il les ouvre et laisse ses yeux bleus percuter les miens. Mes mains se posent instinctivement derrière son cou. A deux, nous formons une figure bizarroïde sur la piste. Le charme de mon plaisir solitaire est rompu, mais qu'importe, je danse, à deux ou seule, c'est pareil. Mon ami tend sa tête vers mon visage. On ne s'échange aucun mot. On reste silencieux en se fixant. Je ne me sens même pas mal à l'aise. Nos bouches se croisent. C'est la première fois depuis. Je n'en aurais aucun souvenir le lendemain, mais sur le moment, je ne réfléchis plus. Notre danse ressemble à un cadavre qui se traîne. Je plane cette fois-ci mais uniquement parce que je retrouve une chaleur humaine en posant ma tête contre son épaule. Nous restons en silence à danser comme deux personnes solitaires qui cherchent à se rassurer.

Toujours silencieux, toujours sans rien dire, sa main reste dans la mienne. Et il m'emmène. Nous traversons sa ville. Je ne la connais pas. Il est tard. Il fait presque jour. J'entends les mouettes. Nous montons des rues, nous passons devant des maisons. J'entends les vagues. Je n'ai ni froid, ni chaud, ni faim, ni soif. Mon corps veut juste s'allonger. Et nous marchons, main dans la main, sans rien se dire. Une main chaude, qui plie mes phalanges. C'était aussi la première fois depuis.
Et il ouvre une porte, nous titubons vers l'escalier, une deuxième porte à la dérobée s'ouvre. Toujours en silence, il m'allonge. Nous restons silencieux, sans rien dire avant d'entamer une autre danse. La première depuis également. 

Et pourtant, je ne me suis jamais sentie aussi seule que dans celle ci. 

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